La
Martinique face au fléau de la banalisation des armes à feu
AFP 5 octobre 2013 à 17:50 (Mis à
jour : 5 octobre 2013 à 18:22)
"Sans atteindre les
records de la Guadeloupe et de Saint-Martin en terme de criminalité, la
Martinique connaît aussi des problèmes prégnants de violence et une
banalisation des armes à feu chez les jeunes.
Le ministre de
l’Intérieur, Manuel Valls, qui doit se rendre dans ces trois territoires
antillais d’ici une dizaine de jours, sera très attendu par les élus locaux et
forces de l’ordre.
«Il y a un
phénomène de violence en Martinique qui est marqué: le nombre de violences est
près de deux fois supérieur à la moyenne nationale», indique Matthieu
Garrigue-Guyonnaud, directeur de cabinet du préfet de la Martinique.
Depuis le 1er janvier, 9 personnes ont été tuées par arme à feu sur les 12 homicides recensés
sur cette île de 400.000 habitants.
Disputes ou
règlements de comptes, parfois sous l’emprise de drogues ou d’alcool, peuvent
être à l’origine de ces actes «aux conséquences sans commune mesure avec les
faits déclencheurs», déplore M. Garrigue-Guyonnaud, pour qui «le recours aux
armes soulève aussi des questions d’éducation, de rapport à la violence». Il
s’inquiète notamment de la «moindre inhibition de la part des jeunes notamment
à utiliser ces armes».
Les faits armés
impliquent surtout les 18-30 ans, une population «de délinquants ou
pré-délinquants, déjà dans une logique de violence», analyse le colonel
Philippe Debarge, commandant de la gendarmerie de Martinique.
Pour le secrétaire
départemental du syndicat SGP FO Police, Michel Marmot, «de plus en plus de
gens portent des armes: posséder une arme, ça devient un challenge, un signe de
maturité». M. Marmot met en garde contre le «phénomène de mimétisme» entre la
Martinique et la Guadeloupe, où 37 meurtres ont été commis durant les 9
premiers mois de l’année.
Un jeune
Martiniquais armé, souhaitant garder l’anonymat, évoque lui «un phénomène de
mode» chez les jeunes et «un sentiment d’impunité».
Ce qui fait bondir
le procureur de la République en Martinique, Eric Corbaux: «C’est faux! On a
une réponse pénale très sévère, souvent beaucoup plus qu’en métropole». En
comparution immédiate, «des sanctions rapides et lourdes» sont ainsi
régulièrement prononcées, assure-t-il.
Blessures par
balle, le quotidien du Samu
Mais ce type de
délinquance est aussi rendu possible par la présence de nombreuses armes à feu
sur le territoire. 6.843 armes sont détenues légalement en Martinique, mais «on
est loin d’imaginer le nombre d’armes qui circulent», alerte Michel Marmot.
Il pointe du doigt
les trafics de drogue en provenance de l’île voisine de Sainte-Lucie: «Il y a
toujours eu des armes à feu arrivant par canot». Cependant, ces «petits
arrivages» ne peuvent être à l’origine d’une prolifération des armes en
Martinique, nuance le colonel Debarge. Aucun trafic organisé n’a pour l’heure
été mis au jour.
La provenance de
ces armes peut en partie s’expliquer par des cambriolages chez des
particuliers, ou la «récupération» de l’arme d’un proche «parfois là depuis
longtemps», avance Matthieu Garrigue-Guyonnaud.
«Les vols avec
armes à feu ont tendance à augmenter», note le colonel Debarge, et «les sept
dernières années, le volume d’armes saisies par la gendarmerie est en
progression constante», sans pouvoir déterminer si les contrôles sont
simplement plus efficaces ou si la circulation d’armes augmente.
Sur les huit
premiers mois de l’année, 330 armes ont été saisies, contre 306 en 2012, dont
55 armes de poing et 24 armes d’épaule, le reste étant constitué d’armes
blanches, selon les chiffres de la préfecture.
Les dégâts sont
constatés sur le terrain par les services de secours. «Il y a beaucoup de
sorties pour blessure par balle, à peu près une par semaine en moyenne»,
affirme Romane Glogowski, médecin au Samu de Fort-de-France, ajoutant que ce
sont des «dossiers habituels» au Samu. Les autorités confirment l’utilisation
d’armes de petit calibre, parfois «anciennes» et souvent «trafiquées».
La préfecture va
lancer dans les semaines à venir une campagne «Déposez les armes», comme celle
qui a cours en Guadeloupe."
AFP
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