«La gravure sur armes, en réalité, se rapproche bien plus de l’orfèvrerie que de l’armurerie.» Ce constat d’Anne Magnus, du bureau d’études Symantra, en dit long sur le savoir-faire et l’expérience nécessaires pour exercer ce métier, qui consiste à faire des armes de véritables objets de collection, de très grand luxe parfois.
Depuis le XVI siècle, Liège abrite des graveurs qui figurent parmi les meilleurs au monde. Il s’agit d’une région où l’expertise est grande, notamment grâce à l’école Léon Mignon (près du Cadran), l’une des trois seules en Europe à délivrer une formation en gravure sur armes.
Dans les années 1960, la FN Herstal employait à elle seule quelque 150 graveurs. Ils sont bien plus rares aujourd’hui: à peine 6 à 7 équivalents temps plein en Wallonie, dont 5 salariés (3 au Browning Custom Shop, 2 chez Lebeau-Courally), 4 indépendants et une dizaine en indépendants complémentaires. À l’échelle mondiale, on ne produit jamais que 300 à 400 armes de très grand luxe par an. Dès lors, il convient de ne pas perdre de précieuses parts de marché, pour lesquelles la Wallonie dispose d’un savoir-faire exceptionnel.
Une bonne douzaine d’acteurs ont décidé début 2012 de se mettre autour de la table pour donner un nouveau souffle au secteur. Parmi eux, la région wallonne, la FGTB, le Forem, l’École Léon Mignon, la Ville de Liège, la Cristallerie du Val Saint-Lambert, etc.
Un bureau bruxellois spécialisé dans la stratégie et l’économie créative a dès lors été désigné pour établir un constat de la situation, puis dégager des pistes pour l’avenir du métier à Liège et en Wallonie.
Une situation plutôt alarmante
Plusieurs constats s’imposent et dépeignent un secteur véritablement en difficulté. Aucun graveur professionnel entre 20 et 35 ans n’exerce en Wallonie. La gravure sur armes ne bénéficie pas d’une reconnaissance particulière, via l’Unesco par exemple. Il n’y a pas davantage de guilde ou d’association professionnelle qui regroupe les graveurs et qui leur permettrait de parler d’une voix collective.
Le métier est en voie de disparition pour de nombreuses raisons, entre autres la concurrence à l’échelle internationale, la montée en puissance d’autres produits de grand luxe (voitures, montres), le recours toujours plus important aux machines, la difficulté de l’apprentissage, le peu de rentabilité du métier, etc.
Que faire pour sauver la gravure sur armes?
Le bureau Symantra propose donc une série d’actions à envisager pour sauver le métier de graveur sur armes:
– la création d’une association représentant les graveurs sur armes
– la mise en place d’un système d’apprentissage rétribué, à l’instar des maîtres d’art en France
– la création d’un statut fiscal spécifique
– l’optimisation des processus administratifs, notamment dûs au fait que les graveurs ont besoin d’un agrément spécifique, vu la nature des objets sur lesquels ils travaillent (agrément «armurier» pour l’import/export)
– assurer la mise en valeur du métier (site internet, livres, promotion)
– soutenir la formation à Liège, donc à l’École Léon Mignon
Les pouvoirs publics (Ville et Province de Liège, Région wallonne) vont être amenés à se pencher sur ces différentes pistes, pour les mener à la concrétisation dans la mesure du possible.
Voici une photographie d’un travail d’Alain Lovenberg, de Heyd (province de Luxembourg) l’un des graveurs les plus réputés au monde: